Une forme de travaux syncrétiques de philosophie.

Tout fait de l’hypnose une pratique très fortement calquée sur la mise en application des grands principes de philosophie. Face au vide que l’on observe tous dans le quotidien de la pratique hypnotique, juste avant de commencer à écouter l’autre tout en essayant d’adapter son imaginaire à ce qui va pouvoir raisonner dans le tréfonds de notre patient, nous répétons la, l’idée originelle de la pensée psychanalytique .

Heidegger

Elle fut formulée par HEIDEGGER  en 1927 dans son livre «  être et temps ». Ce vide que nous ressentons tous, c’est celui de l’être mal défini que nous sommes. Notre  particularité est de devoir nous exprimer parce que  ce  vide devant nous est trop terrifiant, c’est un vide à la fois du temps et de l’espace . Cet espace étroit entre le présent (être) et le participe présent (étant) est à la fois un vide existentiel source d’une profonde terreur, mais également le seul moteur pour la créativité. Il faut en effet , pour oser entrer en contact avec l’autre, beaucoup d’imaginaire, et pour qu’il s’exprime ,une forte volonté  de  remplir ce vide entre le patient et son thérapeute. Faire une séance d’hypnose s’est se mettre dans ce temps entre l’émergence d’un outil thérapeutique et le temps qu’il va mettre à se rapprocher de l’inconscient du patient. Être et Etant. C’est la tension permanente provoquée par le vide, qui précède l’acte thérapeutique. Plus on est conscient du rien, davantage toutes les capacités propres de notre personnalité de  thérapeute vont être productive. Finesse de l’écoute des symptômes les plus subtils du patient, angoisse de répondre de façon la plus poétique à la mise en place d’un monde virtuel recréant un lien entre l’autre et soi, voilà la plus belle illustration de la pensée de Heidegger si difficile à expérimenter.

À ce propos, on vient de parler de l’autre, pour savoir qui il est, un autre philosophe nous a donné quelques pistes. Emmanuel Levinas essaie de montrer que communiquer c’est en fait parler avec le miroir intérieur d’autrui, que l’on pourrait appeler l’autre de l’autre. Et cet autre objet et objectif du lien thérapeutique, c’est ce vers quoi le praticien de l’hypnose cherche à en connaitre. Ce praticien en fait ,nous dit Levinas ce n’est pas l’image d’Épinal que la société lui attribue, mais lui aussi le miroir intérieur de sa propre personnalité. L’autre de moi ne peut que communiquer avec l’autre de l’autre. Rentrer en relation de communication est une véritable transcendance. Elle construit le vrai monde de l’échange , qui est un monde virtuel,  fait de ce qu’on appelle imaginaire, voire  spiritualité, car plus on approfondit cette sortie de l’espace vulgaire , de ce qu’on appelle le réel, davantage on se dissocie, de degrés en degrés, jusqu’à l’hypothèse mystique. Levinas quand il veut nous faire sentir cette profondeur, nous parle du visage de l’autre. Cette expérience du visage a été pour lui le moteur, le déclenchement, la révélation de cette transcendance. L’émotion déclenchée par la rencontre du visage de l’autre est la véritable liaison empathique, sans ce socle humaniste l’hypnose n’est qu’une froide technique. Le visage que nous présente le patient, et son importance vient du fait qu’il est comme la matérialisation de notre propre inconscient. Pourquoi ? Parce qu’il est moteur justement d’un champ émotionnel chez l’hypno- thérapeute.

Heidegger et Levinas disent avec des mots différents la même expérience de recréation à chaque séance d’hypnose de ce monde intérieur du thérapeute déjà présent en lui de façon putative et qui ne cherche qu’à se construire dans le scénario imaginaire catalysé par l’imaginaire de l’autre. Le patient,  lui aussi ne demande qu’à être au monde différemment grâce à la révélation lors de la séance d’hypnose qu’il peut aussi construire quelques-uns des mondes qu’il a en lui, et que seuls le retour de la confiance, lors de la transe hypnotique, va lui faire vivre.

CITATION EN HORS TEXTE : je suis né que de ma douleur. A  ARTAUD

Le patient qui est devant nous est souvent submergé par la souffrance ou la douleur de quelque organe ou quelques  afflictions. Il a oublié la capacité de se jeter dans le monde comme auparavant à la recherche de quelques joies plaisir et occupations masquant l’angoisse existentielle fondamentale. Heidegger qualifie de factices, ce remplissage de l’être au monde par la joie, l’amour , le désir, le projet, toutes choses qui semblent donner la délivrance. Une cure hypnotique ne fait que faire retrouver aux patients ses capacités de recréer du factices et donc rétablir l’équilibre antérieur et intérieur.

Levinas

Les bases philosophiques de la pensée Heideggerienne paraissent dures. Plus facile est le rapprochement avec l’expérience Levinassienne. Lors de la méthode hypnotique, nous dégageons une attitude empathique bienveillante que nous aimons mettre en place tout au long des séances. Dans la relation à autrui l’échange entre deux subjectivité est la base de l’altérité. Pour nous introduire cette subjectivité Levinas met en place l’expérience du visage. Cet habitus si riche, et pourtant ineffable partie émergé de l’inconscient du patient, n’est pas que l’autre, c’est aussi l’expérience d’une révélation pour le praticien grâce à la perception du visage de l’autre de son propre visage intérieur. Ainsi dans un échange hypnotique il n’y a pas de maitre ni d’élève, il y a la nécessité de l’échange pour que les deux soient révélés dans leur plénitude du moi. Levinas part de cette constatation, que l’autre est aussi important que soi puisque il participe à la création de  soi-même,  introduisant ainsi les fondements de l’éthique et de la responsabilité, puisque l’autre  est à respecter plus que moi,   puisque il me fait me connaitre. En hypnose, l’éthique , c’est de respecter l’autre plus que soi puisque notre force s’appui sur son énergie.  Sachant que cette énergie n’est que le courage retrouvé de faire le premier pas dans l’imaginaire «  hypnoconscient » de l’autre.

Rq : les deux paragraphes précédant sont une répétition partielle, elle est  volontaires, pour l’entendement, pour l’étonnement, pour l’ironie, pour la dissociation et la confusion, pour la mémorisation. C’était une technique qu’employée régulièrement le psychiatre médecin de la douleur Burloux pour que le patient qui répétait son histoire , sa souffrance, la  reproduise avec une légère différenciation à chaque narration de se corps douloureux d’homme blessé. Seul le patient faisait lui-même une reprogrammation par petites touches de ces réglages et contrôles de la douleur.

 

Spinosa

Dans le traité de la réforme de l’entendement, Spinoza, bien avant les penseurs précédents, distingue plusieurs espèces de perception, d’ailleurs complémentaires. Éliminons d’abord la première qui est celle qu’il appelle perception des ouï-dire . Combien l’hypnose dégage des conceptions et préjugés préétablies par la société : l’hypnose  science secrète , hypnose science de foire etc… On laisse de côté cet ouï-dire mais cela est malgré tout important puisque en psychosociologie c’est tout le champ de la représentation identitaire des choses humaines. Il est utile certainement que l’hypnose est un ouï-dire totalement différent de ce que les gens formés à l’hypnose comprennent elles. C’est une première distanciation qui paradoxalement a fait aussi le succès de cette pratique. La diabolisation anticipée dans l’inconscient social est un élément explicatif de la puissance de l’hypnose.

Toutes aussi intéressantes sont les trois autres perceptions.

1 La perception dite empirique .Elle faisant une large place aux sensations et sentiments éprouvées et ne nécessite pas de remise en question. C’est bien avec les valeurs émotionnelles, fixée par le patient depuis des décennies, que à partir de  notre posture, nous allons  essayer de jouer.

2 la perception déductive. L’hypnose va utiliser une technique décrite par Spinoza comme la perception déductive, c’est la mise en action de l’observation et du raisonnement, véritable esprit de géométrie. L’hypnose utilise ,et c’est parfois le plus difficile à acquérir, une rhétorique à la fois grammaticale ,mais également  articulation intelligente de quelques principes tels , l’emphase , la confusion , la double injonction , le paradoxe etc.

3 La troisième perception est dite essentielle ou élémentaire. Sans être la plus importante, cette Vertu  consiste à saisir l’essence même de la chose perçue et constitue une espèce de communion avec le principe premier de ce que l’on veut percevoir de l’autre. C’est en fait ce moment magique indescriptible où tout se que l’on essaie d’obtenir se met en place sans qu’on puisse décrire le pourquoi et le comment de cette harmonie de l’échange.

Lacan

À l’intérieur de ces trois perceptions, qui sont du domaine de la philosophie théorique, d’autres penseurs ont mis en application ces grands principes. Jacques Lacan dit : l’inconscient est structuré comme un langage . Il met en application cette hypothèse pour expliquer le mécanisme de fonctionnement de la psychanalyse. La parole écoutée du patient révèle l’ensemble de sa structure depuis sa naissance voire même avant puisqu’il est déjà un nom à travers l’État civil. Ce langage pour expliquer  son mécanisme de fonctionnement, sera découpée dans un séminaire dit RSI, en une part de réel ou vécu comme tel, une part de symbolique  grammaire de fonctionnement, et une part d’imaginaire.

En exergue de ces analyses théoriques et faut signaler que Jacques Lacan fut peut-être le premier philosophe hypno- médiatique. En effet il a enregistré une série d’émissions dans le cadre du service de la recherche de l’ancienne ORTF, où il déroulait un phrasé, une rhétorique décalée mêlant des citations latines et grecques, il nomma ses émissions : Télévision. L’enfant que j’étais à 11 ans rentrait tous les dimanches soirs en hypnose fasse à ce professeur qui avait inventé un véritable discours d’hypno-pédagogique.

Freud

Non seulement l’analyse, qui est issue de la pratique hypnotique apprise à Freud,  notamment par l’école de Nancy avec Bernheim, correspond bien sûr à ces trois aspects mais également l’hypnose Ericksonienne actuelle peut être également décrite dans son principe comme l’utilisation de métaphore pour agir sur l’imaginaire, de rhétorique pour agir sur le symbolique et d’État de conscience modifiée pour agir sur le corps. Pour être plus clair quand en hypnose on utilise le matériel imaginaire du patient, en essayant de comprendre la grammaire symbolique qui fait fonctionner l’imaginaire, on crée d’après Lacan l’effet de sens. Cet effet sent du discours analytique il faut qu’il soit réel, c’est-à-dire qu’il soit vécu, qu’il fascine, ainsi il aura un retentissement sur le réel. Quand il y a transe la rhétorique associée à l’imaginaire, entraîne dans un nouveau sens, ici le fonctionnement du réel du patient. Le paradoxe de cette pensée, c’est que ce réel n’est pas que le corps. Le réel peut être l’état de la grammaire symbolique ou les caractéristiques du monde imaginaire. On peut faire cette translation de sens pour chacun des trois chapitres réels symboliques ou imaginaires. Ainsi on est en face d’un véritable nœud  d’intrication réciproque. Dans cet état de conscience du patient et d’échanges avec son hypno thérapeute on doit faire fonctionner ces trois chapitres et la confusion, la transe ,l ‘hypnose c’est justement le moment de changement de phase .  On part d’une image on la croise avec un discours , on obtient un effet qui peut peut-être change le discours lui-même réveillant une autre facette de l’image. Dans ce paradoxe existentiel l’imaginaire est  réelle,  le réel est grammaire symbolique,  le symbole est image. On voit la , toute la difficulté de la technique hypnotique, c’est la seule gymnastique qui permet une efficacité réelle pour le coup, elle recrée au sens propre de Lacan une existence où ex-siste l’autre. Pour Freud le rêve a une fonction qui instaure le lien entre le symbolique  l’imaginaire et le réel. L’hypnose se rapprochera de cette mécanique autonome comme dans le rêve, mais juste avec un spectateur l’hypno-thérapeute

On peut se demander si une part de la personnalité de ces grands philosophes ne comporte pas un nécessaire talent verbal  d’acteurs avec une grande capacité d’incarner une partie de leurs idées dans un personnage qui n’est plus le même mais vivant une véritable fulgurance voire même une transe qui emporte autour d’eux les spectateurs subjugués, qui deviennent de véritables disciples.

Artaud

Dans ce registre la personnalité d’Antonin Artaud est allée jusqu’à l’extrême de la dissociation. Le théâtre de la cruauté qu’il a théorisée, il l’a aussi pratiqué au point que sa vie entière flirte avec une dissociation qui est proche peut-être de l’État de schizophrénie. Certains créateurs ne peuvent produire ou plutôt exprimer le contenu de leur pensée foisonnante que dans un état de transe plus ou moins contrôlée. L’hypnose est peut-être un État commun à tous les créateurs dans leur phase de production. Antonin Artaud écrivait : je suis né que de ma douleur.

Les philosophies orientales comme le Bouddhisme  explique que le vide est partout et avec lui la souffrance. La démarche de rapprochement dans une séance hypnotique de deux consciences est mue par la recherche de dépassement de la douleur chez le patient, et le dépassement de l’angoisse pour le thérapeute. Ce dépassement de l’un  consiste en la  traversée du vide le séparant de la conscience de l’autre. Dans ce sens comme pour l’analyste ce travaille est parfois fatigant. Cette fatigue est souvent la preuve pour le patient qu’une relation empathique réelle s’est construite.

Merleau-Ponty

Ce philosophe développe ses thèses sur la primauté de la perception. Il critique donc le, « je pense donc je suis », de Descartes puisqu’il met en avant la construction de l’être par ce qu’il perçoit. Cette ontologie lui fait réfléchir à l’intersubjectivité. À partir de là, de nouveaux développements dans la sociologie pourront voir le jour avec Pierre Bourdieu. Mais ce qui ressemble à l’hypnose c’est cette notion de perceptions réciproques des connaissances intuitives de l’essence des choses par l’ observation de tous les phénomènes. La réalité chez un patient peut donc se construire par l’échange. Faire des exercices de perceptions réciproques ce qu’est une autre définition d’une séance d’hypnose permet de créer de la vie à l’intérieur chez les deux protagonistes. L’image hypnotique intentionnellement proposés dans l’échange,  n’est ni une copie de la réalité extérieure, ni une simple construction mentale interne. Ce n’est qu’un lieu de construction et de déconstruction bien illustrée par la pensée de Jacques Derrida. Recréer un monde intérieur avec les briques élémentaires constituées par les sentiments du patient, c’est le travail qu’on propose par la suggestion. L’inconscient du patient accepte de jouer cette construction et cette déconstruction. C’est peut-être cette fonction qui a cours dans les rêves . Je me permettrai une idée personnelle qui limite l’importance de l’interprétation des rêves. Il me semble que les rêves sont la reconstruction des scénarios élaborés à partir des perceptions de réel ,d’images et de symboles qui ont été  vécu le jour .La nuit durant un travail actif du cerveau il se produit un reclassement des perceptions découpées en briques  élémentaires de réel, d’image et de symboles qui vont servir à écrémenter(enrichir) les réflexes conditionnés acquis depuis l’enfance. La construction de l’etre  n’étant que cette optimisation des logiciels biologiques ne demandant qu’à être humanisé  au début et qui au fur et à mesure des jours s’enrichissent d’expérience interhumaine pour constituer ce qu’on appelle un être social adulte. Dans cette phase d’engrangement des perceptions il y a des rebuts, certains rêves dont on se souvient  ne sont peut-être que chargés  de  reclasser ses rebuts, la nuit  en les  réintroduisant dans des scénarios élaborés. Dans ce sens la nuit serait une phase active de rangement des perceptions de la journée, pour que  dans la journée nous puissions développer  passivement les automatismes corporels psychologiques sociaux optimisés. Dans le sommeil existe un mécanisme d’auto hypnose.

Hors texte : La douleur est le passage à un état de moindre perfection.  SPINOSA

La physiologie actuelle sur le fonctionnement du cerveau semble confirmer le fait que la perception est un processus actif et non pas passif. Le fonctionnement neuronal est optimisé par les acquis antérieurs ce qui lui permet d’anticiper rapidement les informations qui lui arrivent pour construire une perception efficiente, fine, élaborée au préalable . Le jour  nous ne serions que le jouet passif de réflexes conditionnés construit la nuit. La maladie serait la limite que ces logiciels rencontreraient face à de nouvelles situations. Cette limite ne serait qu’un défaut de reconnaissance et d’adaptation à l’environnement. L’hypnose donnerait du grain à moudre une seconde fois aux logiciels déficients c’est-à-dire ne sachant que faire des informations corporelles symboliques ou imaginaires inclassables par le travail onirique des nuits précédentes

Socrate

Rendons  hommage au premier philosophe de la Grèce classique . Son objectif était de rendre plus sage par la connaissance de notre ignorance. Je sais que je ne sais rien , disait-il. Cette posture est  garant de l’humilité. Cet a priori est bien la meilleure introduction d’une séance d’hypnose. Son éthique était faite d’humilité puisqu’il enseignait sans se faire rétribuer à travers les rues d’Athènes. En vivant pauvrement il avait la possibilité de vivre vraiment en philosophe c’est-à-dire en  se scrutant lui-même et les autres. Cette maïeutique c’est-à-dire essayer d’accoucher l’intelligence de l’autre se faisait au moyen de techniques dissociatives par exemple l’ironie socratique, le questionnement incessant qui finissait par lasser ses contemporaines , la dialectique en jouant sur la stupeur que provoque chez ses interlocuteurs la mise en évidence de leurs propres contradictions. Il provoque chez ses interlocuteurs de véritable confusion, l’exaspération arriva à un tel niveau qu’il fut accusé de corrompre la jeunesse athénienne. Pour trouver la source de cette perspicacité il feint  l’ignorance, mais surtout adopte  un comportement de repli sur soi qui pouvait durer plusieurs heures, proche d’un État de crise de catalepsie où il était capable de dédoublement de sa conscience. Il s’est créé même une voix intérieure, un bon génie qui l’aide à se dissocier en deux  personnalités mimant ainsi la façon dont il a d’aiguillonner ses interlocuteurs en les déstabilisant en permanence. Le comble de ce philosophe, c’est de n’avoir rien écrit un peu comme Erickson, écrivain peu prolixe, mais d’avoir  susciter des disciples. La méthode de Socrate vise à montrer par la contradiction chez l’autre que toute véritable connaissance est impossible . Lacan dira que toute analyse sert à faire découvrir qu’il n’y a rien à découvrir mais qu’il faut assumer le vide de l’être. Socrate est le précurseur de l’analyse pour Jacques Lacan et l’analyse est une autre forme de l’hypnose.

Dans une des conférences de Vaison-la-Romaine je me suis permis de développer le concept d’hypnose diagnostique. En effet si l’on se place dans un objectif de mieux connaître l’autre sans lui appliquer uniquement des connaissances extérieures médicales qui montrent parfois leurs limites, il faut appliquer les techniques hypnotiques à la phase de diagnostic. Le questionnement biologique alterné avec les échanges émotionnels et sous couvert d’un accent adapté à la socialisation du patient, alors nous sommes dans une posture de grande efficacité diagnostique bio psychosociale, souvent réalisées dans un temps record, sorte de diagnostic bref mais profond puisque mû par des apports du patient à chaque étape de la construction des questions ou de la compréhension des réponses par l’hypno-diagnostiqueur.

Roland Barthes

Grand critique philosophique Roland Barthes montre l’importance de la sémiologie. Nommé c’est soulagé disait-il. Pour paraphraser un de ses articles chocs, la mort de l’auteur, on pourrait dire que l’hypnose valorise la mort du thérapeute. La guérison du patient devant se matérialiser par la fin de sa dépendance aux guérisseurs. L’hypnose prend  la  posture suivante : ce que l’on pourra faire pour l’autre dépendra de ce que l’autre nous donne dans l’échange. Pour aller plus loin, comme pour l’effet d’une œuvre sur un lecteur qui crée réellement l’œuvre indépendamment de l’auteur quand il la reçoit, l’effet d’un soin chez un patient  lui procure réellement sa fonction de soins, quand il est perçue de façon adaptée par le patient, indépendamment du soignant.

Hors texte : la douleur est questionnement le plaisir est réponse . Paul Valery

La douleur est certainement l’un de ces sujets qui permet le plus de lire une époque. Pour les jours actuels elle est un extra ordinaire outil de réinterprétation intellectuelle des choses humaines. N’oublions jamais que à chaque époque elle a pris une  place majeure mais dans des champs bien différents. Il y a 20 générations au Moyen Âge la description du quotidien des sociétés de l’époque nous montre  comment la douleur physique était le quotidien, mais également un certain ciment de civilisation permettant de justifier le discours d’incarnation dans la société du dessin de Dieu. Pour l’heure en convoquant les philosophes citées plus haut, on voit que la douleur se définit par le faite qu’elle n’existe pas. Ce paradoxe semble plutôt confirmé par la physiologie actuelle de ce symptôme. En effet un doigt écrasé, n’est pas un excès  de stimulation mais une information qui analysée par le cerveau est construite par lui comme dangereuse ( parce que  comparée à ce qui a  été mémorisé auparavant),  d’autre part vécue comme une perception désagréable car elle provoque la négation de toutes les autres parties du schéma corporel. Ainsi seul est à  la conscience le doigt écrasé, et c’est cela qui est pénible donc douloureux. Plus encore cette information supprime toute temporalité passée et future, en densifiant le temps présent.

Le paradoxe de cette douleur c’est que plus la douleur est profonde (c’est-à-dire le vide, le rien) plus explosive sera la création. La condition humaine montre là sa facette scandaleuse. Que l’on accuse Dieu ou le destin,  l’indicibles de la souffrance est le premier souffle de l’aventure humaine. Dans la demande de prise en charge par l’hypnose on est à la marge de la douleur de l’autre, on va juste lui montrer qu’il contient en lui,  peut-être à cause  justement de cette douleur,  tout le souffle de la vie.

La douleur est inscrite dans l’espace et dans le temps. C’est mêmes un pléonasme. D’où l’heure – douleur . Où est le lieu, où est le temps de la transe hypnotique. Le vide de cet acte thérapeutique est le garant d’une construction vitale par le patient.

Dans une demande d’aide formulée par le patient la technique hypnotiques propose une réponse réelle symbolique ou imaginaire. Les trois approches seront mêlées, l’induction  se fera par l’une ou l’autre de ces trois portes, mais toujours de façon virtuelle. On va convoquer la souffrance de la chair (réel) la souffrance du coeur (imaginaire) la souffrance de la tête (symbolique) le tout sans jamais se substituer à la richesse de la vie inconsciente du patient.

Tout se passe comme si la douleur révélait en nous les grottes , des labyrinthes, des buggs du processus ayant conduit à notre humanisation. Comme la découverte d’un réseau souterrain chaque homme a  une structure inconsciente complexe, dont une partie est figée, mais avec de possibles modifications plastiques,  et enrichissement  de ses logiciels gérant son cœur son corps ou sa tête.

Tout homme en douleur, c’est-à-dire vivant une partie de ce vide intérieur, prend ses habitudes, et joue un rôle dans le groupe des hommes. Améliorer ce vécu individuel va parfois contre la société qui elle aussi semble combler ce vide par la pérennisation d’un groupe humain représentant ses failles, mais nécessaire aux évolutions sociologiques (le groupe des patients fibromyalgiques répond à cette définition de vide intra psychiques et de vide intra social ) Les artistes à une autre échelle assume la douleur en échange de la créativité. Le thérapeute en hypnose propose la créativité en échange de la douleur.

Les philosophes convoqués au début de ces réflexions ont un extraordinaire talent pour relier le commun et le grandiose, l’intime et le groupe le passé et le futur. Mais leur histoire personnelle montre elle aussi que la douleur est latente au talent .

Apres ces propos oser penser le contraire , le différend  ou ne rien pensait du tout, il en sortira quelque chose de valeur.

 

Bibliographie

Heidegger : être et temps.

Spinoza : l’éthique  .

Lacan j : séminaire RSI  revue Ornicar   1975.

Derrida :  la grammatologie 1967.

Levinas : éthique et infini, dialogue avec Philippe Nemo .

Artaud :  sa vie  et ses futures œuvres complètes .

Valery : œuvres complètes  La Pléiade .